AU DÉFI DE LA CHRONIQUE JOURNALISTIQUE
Numéro 5 : avril — octobre 2022

On oublie que la chronique est d’abord une question économique : le chroniqueur, sauf s’il est une vedette, coûte beaucoup moins cher que le journaliste. Ainsi se multiplient à la radio les chroniques qui obéissent à des contraintes économiques et linguistiques. Il faut qu’elles répondent à certaines convenances établies par avance. Le temps de la chronique correspond à un espace identique avec une répétition régulière d’un même « temps de parole ». Mais l’écriture d’une chronique se mesure au risque de la complaisance. Les chroniqueurs, pour construire leurs relations à « l’histoire en train de se réaliser », prennent-ils une distance qui se fonde sur l’humour ? L’ironie du monde semble alors de plus en plus configurée par « ces professionnels de l’humour » qui finissent par lui donner un sens et imposer une forme mentale à nos manières de voir les « choses de la vie ». L’humoriste (chroniqueur) devient-il notre représentant, notre porte-parole ? Nous adhérons à ce qu’il dit par sa manière de le dire.
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CRÉDITS PHOTOS
© Thomas Bougueliane – Muniz Sodre Cabral – Hervé Caron – Maria Claudia Galera – Philippe Herr – Henri-Pierre Jeudy – Jean-Paul Kauffmann – Raphaël Krafft – Morgan Large – Jean Lebrun – Thomas Legrand – Franck Olivar – Philippe Petit – Anne Philibert – Pierre Rival – François Roche..
ISBN 979 1090 198 586
ISSN 2729-5915
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1. La chronique in situ
Tenir une chronique quotidienne est une manière publique d’être présent au monde. Sans doute faut-il risquer d’avoir une certaine présomption pour s’adresser aux autres en imposant ainsi son point de vue comme le fruit d’un regard qui se veut universel. Le chroniqueur de presse se sépare de son statut de journaliste pour exercer le plus librement possible son interprétation des faits. En faisant de la chronique son métier, il assure une fonction qui donne à son travail journalier le caractère d’une pratique vernaculaire. Ainsi se fait-il un nom qui le protège comme une griffe qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Le chroniqueur de presse adopte un style, il affiche sa singularité par la perspicacité de sa perception des faits, par son acuité mentale, par son humour… Il devient un personnage, et il le devient d’autant plus mystérieusement qu’il n’est pas toujours vu du grand public, mais plutôt entendu.
2. La chronique dans tous ses états
La chronique peut être politique, culturelle, juridique, gastronomique… Aucune activité humaine n’échappe à la possibilité d’en faire une chronique comme si une telle modalité du discours permettait de rendre compte, de mettre en scène, les différents aspects de la vie en société. La chronique s’impose comme un langage du système des représentations avec lesquelles nous vivons. En ce sens, elle associe nos constructions idéologiques à nos manières de voir et de vivre le monde. Au chroniqueur est alors attribuée une place de référentiel. C’est lui « qui donne à penser » et « à apprécier ».
3. La chronique à l'heure de la numérisation
Le développement des réseaux sociaux provoque une croyance collective et individuelle en une réappropriation du « processus de médiatisation ». Dans quelle mesure s’agit-il d’une illusion ? L’interprétation des faits façonne-t-elle encore leur réalité apparente ? Le récit de « ce qui se passe », « de ce qui est », relève-t-il encore d’un art de la chronique qui garderait le prestige de son anachronisme ? Ou le langage lui-même, dont l’usage semble déterminé par l’immédiateté de son expression, n’obéirait-il plus qu’à des impératifs de modélisation médiatique repris par les réseaux sociaux ? La numérisation risque de provoquer des effets de « standardisation mentale » qui rendent les modes d’appréhension du réel de plus en plus identiques.