TRACES ET LECTURE DE PAYSAGES
Numéro 4 : septembre 2021 — mars 2022

Pourquoi les « ruines les plus récentes » seraient-elles les signes de déclin d’un territoire ? Les ruines d’une forge, d’un moulin, d’un four ne sont-elles que les symboles d’une époque révolue, les traces d’un passé destinées à être oubliées ? Elles forgent plutôt le « miroir obscur » de ses anciennes richesses. Regarder des traces, des vestiges, et même des débris pour « lire un paysage » prédispose la mémoire et la perception à une véritable aventure. La trace se présenterait avec cette part d’invisibilité qui la rend énigmatique en requérant le toucher visuel. La lecture d’un paysage suppose-t-elle alors d’imaginer le retour d’un « présent perdu » ?
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CRÉDITS PHOTOS
© Mathias Rollot – Bernadette Février – Benoît Vincent – Julie Beauté – Bernard Kalaora – Samuel Mourin – Joël Hauer – Jean-Paul Kauffmann – Henri-Pierre Jeudy – Jacques Grison – Maria Claudia Galera – Aurélie Chêne – Dominique Perchet – Clément Michon – Élisabeth Robert-Dehault..
ISBN 979 1090 198 562
ISSN 2729-5915
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1. Empreintes du paysage
La lecture des paysages dépend en majeure partie de ce qu’on ne voit pas, de ce qui se dévoile au regard. Des traces innombrables et encore présentes, qui demeurent parfois peu visibles, servent d’indices, mais les limites de nos connaissances nous offrent une certaine liberté de perception pour imaginer ce que nous ne voyons pas. Ces mêmes traces, nous en faisons des empreintes comme dans une enquête qui jamais n’en finira. Comment l’empreinte, perte de l’origine ou contact de l’origine participe- t-elle de la révélation d’un paysage ? Quelle est sa puissance heuristique ?
Traces oubliées, ruines interdites
Entre le « monde des trains » – un véritable empire de la mémoire pour tout individu – et celui des cheminots – un fief de la mémoire du travail soutenu par une puissante culture d’entreprise –, la séparation n’a cessé de grandir au fil du temps. Quand nous revoyons aujourd’hui, la « bête humaine », le film de Jean Renoir tiré du roman d’Émile Zola, force est de constater l’analogie vivante, tenace qui s’impose entre la vie humaine, l’existence au quotidien, et la logique d’activités des chemins de fer, l’enchaînement implacable des gestes précis, dans une atmosphère de bruits et de visions dont l’irruption demeure impromptue même si elle est attendue. Les récits que chacun ou chacune peut faire « sur le train » sont porteurs, qu’ils le veuillent ou non, de toute cette épaisseur de l’histoire que symbolise l’histoire des chemins de fer. Au fil du temps, si les représentations du pouvoir symbolique du train se transforment, ce pouvoir en tant que tel ne diminue pas. La littérature, le cinéma, les arts graphiques l’entretiennent autant dans son expression anachronique que dans celle de sa contemporanéité.
En quête des traces
Le rôle que peuvent jouer «les ruines» industrielles dans les modes d’appréhension des territoires et de leur histoire se fait de plus en plus énigmatique et évanescent. Si les mémoires des générations précédentes – de ces générations qui ont travaillé dans l’industrie du fer et de la fonte – sont encore «vives», pour en «saisir» et «en faire revivre la puissance», il est, nous semble-t-il, nécessaire de pratiquer une lecture du paysage qui inclut dans ses modalités de perception, toutes les traces singulières de la «vie ouvrière». C’est en ce sens que la pratique de la «lecture généalogique du paysage» est une «actualisation» constante des modalités d’articulation entre le patrimoine matériel et immatériel.